Extrait de Suétone (v.70-1280ap. J.-C.) : Vies des Douze Césars, « César », LXXXI

Manuel, Magnard page 78.

Document préparé à partir de http://www.ac-orleans-tours.fr/lang_anciennes

   L’historien romain conclut sa biographie de Jules César en accordant au récit de son assassinat toute la place qu’il mérite, et notamment en énumérant les nombreux prodiges annonçant sa mort.

 

            Sed Caesari futura caedes evidentibus prodigiis denuntiata est. […] Proximis diebus equorum greges, quos in trajiciendo Rubiconi Flumini consecrarat* ac vagos et sine custode dimiserat, comperit pertinacissime pabulo abstinere ubertimque flere. Et immolantem haruspex Spurinna monuit « caveret periculum, quod non ultra Martias Idus* proferretur ». […] Ea vero nocte, cui inluxit dies caedis, et ipse sibi visus est per quietem interdum supra nubes volitare, alias cum Jove dextram jungere ; […] pluribus hostiis caesis, cum litare non posset, introiit curiam spreta religione Spurinnamque irridens et ut falsum arguens, quod sine ulla sua noxa Idus Martiae adessent, quamquam is « venisse quidem eas » diceret, « sed non praeterisse ».

Divus Julius, chapitre LXXXI

 

Notes :

 

- « consecrarat » équivaut à « consecraverat ».
- « Martias Idus », « les Ides de Mars ». Idus, uum, f. pl. et Martius, a, um.

Traduction du texte de Suétone :

   Mais le meurtre à venir fut annoncé à César par des prodiges manifestes. […] Les tout derniers jours, César apprit que des bandes de chevaux, qu’il avait consacrés au Fleuve Rubicon en le traversant et qu’il avait renvoyés libres d’errer et sans gardien, se détournaient de leur pâture avec la plus grande obstination et pleuraient en abondance. Et tandis que César offrait un sacrifice, l’haruspice Spurinna l’avertit « de prendre garde à un danger, qui ne serait pas remis au-delà des Ides de Mars ». […] Quant à la nuit après laquelle se leva le jour du meurtre, d’une part César se vit lui-même au cours de son sommeil tantôt voler par-delà les nuées, tantôt encore dans la compagnie de Jupiter, lui serrer la main droite […] Puis, plusieurs victimes ayant été sacrifiées sans qu’il pût obtenir de présages favorables, il pénétra dans la curie, au mépris de tout scrupule religieux et en se moquant de Spurinna, l’accusant même comme un imposteur, du fait que les Ides de Mars étaient arrivées sans lui causer aucun mal, bien que celui-ci rétorquât que « certes, elles étaient arrivées, mais n’étaient point encore passées ».

 

Vocabulaire du texte de Suétone :

 

Abstineo, es, ere + abl : s'abstenir de
Caedes, is, f : massacre, meurtre
caedo, is, ere, cecidi, caesum : sacrifier
caveo, es, ere, cavi, cautum : prendre garde à
comperio, is, ire, comperi : apprendre
consecro, are : consacrer, vouer à une divinité
dimitto, is, ere, misi, missum : renvoyer
fleo, es, ere : pleurer, verser des larmes
immolo, as, are : sacrifier

Moneo, es, ere, monui : avertir, prédire
Neco, as, are, avi, atum : tuer, faire périr
Pabulum , i, n : pâturage, fourrage, nourriture
periculum, i, n : danger, péril
pertinaciter : obstinément
profero, fers, ferre, tuli : reculer, remettre à
Trajicio, is, ere, jeci, jectum : traverser
Ubertim, adverbe : abondamment
ultra + acc : au-delà de
Vagus, a, um : nomade, libre d'errer

 

 

Traduction du passage entier :

            Mais le meurtre à venir fut annoncé à César par des prodiges manifestes. Quelques mois plus tôt, alors que dans la colonie de Capoue des colons, envoyés là en vertu de la loi Julia, dispersaient pour édifier des maisons de campagne des tombes très anciennes, et qu’ils effectuaient ce travail avec d’autant plus d’ardeur qu’ils trouvaient en fouillant une quantité notable de petits vases de facture archaïque, une tablette de bronze fut découverte dans un sépulcre où l’on disait qu’était enterré Capys, le fondateur de Capoue, l’avis suivant y étant gravé en lettres et en langue grecques : « du moment que les ossements de Capys avaient été déterrés, il arriverait qu’un descendant d’Iule serait tué de la main d’assassins de son sang, et qu’il serait bientôt vengé par les grands désastres que connaîtrait l’Italie ». Et pour que nul ne la considère comme imaginaire et mensongère, celui qui se porte garant de cette information est Cornelius Balbus, un ami très intime de César.

                Les tout derniers jours, César apprit que des bandes de chevaux, qu’il avait consacrés au Fleuve Rubicon en le traversant et qu’il avait renvoyés libres d’errer et sans gardien, se détournaient de leur pâture avec la plus grande obstination et pleuraient en abondance. Et tandis que César offrait un sacrifice, l’haruspice Spurinna l’avertit « de prendre garde à un danger, qui ne serait pas remis au-delà des Ides de Mars ». Par ailleurs, la veille de ces mêmes Ides de Mars, c’est le présage d’un roitelet qui se dirigeait vers la curie de Pompée avec un petit rameau de laurier, que des oiseaux d’espèces différentes mirent en pièces dans cette même salle, après l’avoir poursuivi depuis le bosquet tout proche. Quant à la nuit après laquelle se leva le jour du meurtre, d’une part César se vit lui-même au cours de son sommeil tantôt voler par-delà les nuées, tantôt encore dans la compagnie de Jupiter, lui serrer la main droite ; d’autre part, sa femme Calpurnia rêva que le toit de leur maison s’effondrait et que son mari était percé de coups entre ses bras.

                Puis brusquement, les battants de la porte de leur chambre à coucher s’ouvrirent d’eux-mêmes. Ayant longuement hésité, à cause de ces phénomènes et aussi de son mauvais état de santé, pour savoir s’il ne s’abstiendrait pas de sortir et s’il ne remettrait pas à plus tard les affaires qu’il avait proposé de traiter devant le sénat, Decimus Brutus l’exhortant finalement à ne pas décevoir les participants venus nombreux et l’attendant depuis longtemps déjà, il se mit en route vers la cinquième heure et mélangea à d’autres billets qu’il tenait dans la main gauche le billet remis par un passant révélant l’embuscade qui lui était tendue, comme s’il allait le lire plus tard.

              Puis, plusieurs victimes ayant été sacrifiées sans qu’il pût obtenir de présages favorables, il pénétra dans la curie, au mépris de tout scrupule religieux et en se moquant de Spurinna, l’accusant même comme un imposteur, du fait que les Ides de Mars étaient arrivées sans lui causer aucun mal, bien que celui-ci rétorquât que « certes, elles étaient arrivées, mais n’étaient point encore passées ».

 

 

Traduction élaborée par l’Association « Rallye Latin d’Orléans-Tours pour le concours 2003 », Ac. Orléans-Tours.